SUNN O))) – Life Metal
Le duo inimitable de drone metal revient avec un album énorme produit par Steve Albini, signant un méticuleux et fascinant retour aux sources.

Les albums de Sunn O))) résultent généralement d’une communion électrique entre des bourdonnements infinis créés par les guitares et un volume très élevé. Lorsque Greg Anderson et Stephen O’Malley – le duo constitutif du groupe – ont dépassé le culte de l’amplificateur de leur enfance (la marque Sunn O))), ils ont commencé à recruter d’autres musiciens pour les aider à construire des disques audacieux, aussi bien au niveau des concepts que des décibels. C’est ainsi qu’ils ont réalisé des disques avec Boris, Scott Walker et Ulver et ont collaboré avec l’icône du black metal, Attila Csihar de Mayhem, comme orateur principal et performeur.
Cependant, tous ces invités ont parfois obscurci l’essence même de Sunn O))). Anderson et O’Malley partagent une alchimie rare ; ils sont capables de travailler avec des riffs prolongés à des rythmes très lents et des volumes élevés avec un contrôle absolu. Life Metal – le premier des deux albums de Sunn O))) prévus pour 2019 – rectifie d’une certaine manière la situation. Anderson et O’Malley mettent en avant leur complémentarité et leur capacité commune à créer des métaphores à partir de riffs bourdonnants durant entre 12 et 25 minutes. Il n’y a qu’à les voir en concert pour se rendre compte du rituel quasi-religieux qu’ils créent (le port de longues robes de bure aidant).
Toutefois, Anderson et O’Malley ne sont pas complètement seuls sur ce disque. Dans Life Metal, la présence du producteur Steve Albini, dont la capacité à faire des disques puissants n’est plus à prouver, est remarquable. Dans ce partenariat aussi évident qu’attendu, Albini capture la paire avec un souci du détail quasi-parfait, de sorte que l’on puisse pratiquement sentir leurs doigts ramper sur le manche de leurs guitares à la fin d’Aurora. Tim Midyett de Silkworm galvanise les « drones » avec sa basse, et le contributeur de longue date TOS Nieuwenhuizen ajoute à nouveau des ambiances électroniques avec ses claviers. Il y a aussi les traces d’orgue, lumineuses et inquiétantes, du compositeur minimaliste Anthony Pateras dans Troubled Air.
Le plus frappant est peut-être la présence de la violoncelliste et compositrice islandaise Hildur Guðnadóttir, qui chante avec hésitation des vers empruntés à d’anciens poètes aztèques lors de l’ouverture colossale Between Sleipnir’s Breaths, comme s’ils constituaient des pétroglyphes inscrits sur un mur de canyon. Elle produit également un bourdonnement régulier de violoncelle sur le titre colossal de 25 minutes, Novae, qui clôt le disque.
Ce qui frappe immédiatement à propos de Life Metal, c’est la grâce et la dextérité étonnantes qu’Anderson et O’Malley conservent, malgré des charges très lourdes en décibels. Aurora utilise un stratagème classique de Sunn O))) : parcourir les étapes d’un riff et relier les espaces entre les notes avec des rayons de décomposition et de retour. Chaque note atterrit comme un nouveau coup sur la poitrine, chaque espace rugissant entre eux ressemblant à une tentative de masser la douleur. Malgré les impressions laissées par les sons souterrains de Sunn O))), les guitares semblent scintiller ici de nuances et d’harmonie. On a la sensation de trébucher dans une salle caverneuse à la recherche d’un interrupteur et de se retrouver finalement au milieu d’une salle lumineuse nichée dans un coin. Life Metal peut parfois couper le souffle par surprise et laisse divaguer les notes dans des contrées inattendues.
Une des nombreuses blagues à propos du groupe est que, quiconque possède le bon équipement et suffisamment de patience, peut jouer cette musique. Sunn O))) a rarement semblé aussi délicat que sur les dernières parties de Novae, les guitares enveloppant le violoncelle de Guðnadóttir avec une patience rarement atteinte.
Sunn O))) excelle en slogans, allant parfois jusqu’à la propagande, en utilisant notamment leur obsession particulière pour le volume comme outil de marque tranchant. Leur maxime, par exemple, a longtemps été «le volume maximum produit un maximum de résultats», tandis que des T-shirts assortis demandent «avez-vous déjà respiré une fréquence ?».
Life Metal occupe un vaste espace où des ondes sonores dévastatrices deviennent paradoxalement une expérience d’écoute réparatrice. En fonction de vos besoins, Life Metal est, à volume maximal, un bouclier ou une cape, un exercice opportun permettant de se retirer du monde extérieur ou de rester à la bonne hauteur sans cligner des yeux.