See that my grave is kept clean
En jazz comme en blues, un standard est un morceau souvent écrit par un auteur anonyme ou issu de la tradition folk et repris à l’infini par les musiciens du genre. Cette semaine, j’aimerais m’attarder sur un morceau du fondateur du blues Texan, BLIND LEMON JEFFERSON « See that my grave is kept clean« .
Morceau d’anthologie qui relate le dernier souhait d’un mourant, que sa tombe reste propre, que sa mémoire soit préservée. Reflet de la peur de mourir d’un artiste aveugle et itinérant dont la survie reste précaire. Un thème plutôt macabre mais récurrent dans le blues de Blind Lemon Jefferson (« Chinch bug blues« , « Mosquito moan« …) et qui a inspiré de nombreux bluesmen et artistes folk, surtout dans les années 60 (John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins« ). On retrouve également cette chanson sous les titres « One kind favor » ou « Two white horses in a line« .
A l’occasion de la sortie du dernier BB King « One kind favour« , revenons sur quelques versions intéressantes et disponibles dans les bibliothèques de Grenoble.
The complete classic sides remastered / BLIND LEMON JEFFERSON (Socadisc, 2003)
L’originale, on y perçoit l’essence même du blues texan si proche des folksongs (chansons rurales de l’époque), enregistrée en 1927, cette chanson est directement inspirée d’un spiritual des écoles d’évangélisateurs ruraux de la fin du 19ème. Ici la version remasterisée permet d’apprécier toute la sensibilité du chant et du jeu de guitare de Blind Lemon Jefferson.
s/t / BOB DYLAN (Sony BMG, 2005)
Avec Bob Dylan, la renommée du morceau prend une ampleur mondiale. Dylan chante avec toute la fougue de sa jeunesse, un engagement très fort dans le morceau qui se charge d’une grande intensité émotionnelle.
One kind favor / B.B. KING (Geffen records, 2008)
Comme à son habitude BB King nous livre ici une version très classe et qui mérite le détour. Une orchestration étoffée, un ton un peu plus enjoué, une version électrique, moins dans le pathos mais tout aussi originale.
Sittin’ here singing the blues / LITTLE PINK ANDERSON (Pinnacle productions, 2008)
Little Pink Anderson est le fils de Pinkney Pink Anderson, jeune il a des problèmes avec la justice et passe quelques années en prison, dernièrement remarqué par l’association Music Maker, il tente de faire carrière et signe ici son premier album. Cette version est peut-être ma préférée tant la sonorité de la guitare est claire et la voix déchirante.
St. Slide / BJORN BERGE (Farmen, 2004)
Bluesman Norvégien la version de Bjorn Berge est peut-être la plus sombre, elle se distingue par l’utilisation d’une guitare à 12 cordes et par le chant monotone de Berge. Une version qui souligne le côté macabre de la chanson, mais qui en garde l’essence et la puissance émotionnelle d’un chanteur seul avec sa guitare.
Pour la petite histoire la fin de Blind Lemon Jefferson fut tragique, un soir après un concert privé, il se perd dans les rues enneigées de Chicago et y meurt de froid. En 1967, une fondation retrouve l’endroit où il mourut et y érige un mémorial, veillant depuis à ce que sa tombe reste propre… ouf !