Playlist « Contestation(s) »

A l’approche du cinquantenaire des événements de mai 68, voici une playlist qui explore à travers le temps et les continents la manière dont les musiciens se sont emparés des questions de luttes sociales et de souffrances humaines. De la révolte des Canuts de Lyon, inspirant Listz en 1831, à la lutte contre l’interdiction du maloya réunionnais jusqu’en 1981, ou au Meetoo de Vins plus récemment, ces chansons, que nous avons choisies car moins connues que les classiques Bella Ciao ou Le chant des partisans, méritent d’être découvertes ou réécoutées. Depuis la France, le Brésil, les Etats-Unis, le Chili, la Russie ou la Côte d’Ivoire, voici 27 titres qui prouvent que la contestation n’a ni frontière, ni âge, ni esthétique donnée.

Vins – Meetoo, 2018
Un texte qui ne traite pas seulement des violences sexuelles faites aux femmes, mais aussi des normes genrées, de la masculinité toxique, du sexisme banalisé, et de la place réservées aux femmes aujourd’hui.

Jordi Savall / Orpheus XXI – Usakudar, 2017
Auteur de nombreux projets visant à favoriser le dialogue interculturel, investi dans la valorisation du patrimoine musical des peuples et personnellement impliqué sur la question de l’intégration des réfugiés, Jordi Savall a créé Orpheus XXI, un orchestre de 8 musiciens professionnels aux origines diverses

Prophets Of Rage – Unfuck the world, 2017
Prophets of Rage, dézingue l’Amérique de Trump et tout ce qui s’en rapproche. Le groupe s’est formé pendant la campagne américaine sous le slogan « Make America Rage Again ». Ce « super groupe » rassemble Chuck D et DJ Lord de Public Enemy, B-Real de Cypress Hill et les musiciens de Rage Against the Machine (moins Zack de la Rocha).

Kendrick Lamar – Allright, 2015
Le clip le plus remarqué de l’année 2015 montre un Kendrick Lamar tour à tour poète, prophète et martyr. Fascinant par son esthétisme comme par son symbolisme, évoquant comme nul autre l’état et les maux de la société américaine, ce titre est en passe de devenir l’hymne d’une génération. Il est régulièrement entonné lors des manifestations contre les violences policières « Black Life Matters ».

Arkady Kots – Qui a tiré sur les travailleurs (traduction), 2012
Le groupe folk punk mené par Kirill Medvedev, qui a lui-même souffert des arrestations et des tortures, rend un hommage aux travailleurs du pétrole, assassinés lors de la grève de Janaozen (Kazakhstan) en 2011.

Franz Liszt – Lyon, 2011
Issu d’ « Album d’un voyageur, Impressions et poésies » que Liszt composa entre 1837 et 1838, Lyon évoque la révolte des Canuts de Lyon en 1831. Interprétation de Nicholas Rimmer au National Theatre, Pristina, Kosovo, le 25 mai 2011.

Sniper – Brûle, 2005
Un brûlot qui fait suite aux émeutes urbaines de 2005. « Parce que quand on grimpe, ils nous freinent / Parce qu’au fond ils nous craignent / Parce qu’au JT ils nous saignent / Parce que la coupe devient pleine / Car le sang bout dans nos veines / Car il faut briser les chaînes / On aimerait qu’ils nous comprennent / Ils auront le feu parce qu’ils ont semé la haine».

Tiken Jah Fakoly feat. Didier Awadi – Quitte le pouvoir, 2004
Une injonction en forme de tribune contre les dirigeants africains qui s’accrochent au pouvoir.

Lofofora – Alarme Citoyens, 2002
En lien direct avec les élections présidentielles de 2002 et la montée du Front National et de ses idées.

Sepultura – Refuse/Resist, 1993
Hymne du groupe de trash brésilien à l’insurrection populaire dans le pays.

Rage Against the Machine – Wake up, 1992
Chanson hommage à Martin Luther King, Mohamed Ali et Malcolm X.

Neil Young – Rockin’ in the free world,1990
Le titre sort un mois avant la chute du mur de Berlin et se transforme en hymne à la chute du communisme.

The Special AKA – Free Nelson Mandela, 1984
Chanson écrite en soutien à Nelson Mandela, alors emprisonné en Afrique du Sud. Elle dénonce la politique de l’apartheid et est considérée comme une des chansons protestataires les plus influentes, son succès ayant contribué à faire connaître Nelson Mandela et à alerter l’opinion publique sur la situation politique en Afrique du Sud.

The Clash – The Guns of Brixton, 1979
Une évocation des tensions entre police et immigrants dans ce quartier de Londres, construite autour de l’évocation des violences policières.

Peter Tosh – Equal rights, 1977
Le plus rebelle des chanteurs reggae donne à son deuxième album le nom de cette chanson, véritable ode à l’égalité sociale, qu’il oppose, en plein mouvement Peace and Love, à la paix (oui c’est un rebelle). Le reste de l’album est du même acabit : Get up stand up, Apartheid, Steppin razor…

Jean Roger Caussimon – La Commune est en lutte, 1977
Enregistrée pour le film de Bertrand Tavernier « Le juge et l’assassin », cette chanson traite de la Commune de Paris. Après la défaite de 1870 et la capitulation face aux prussiens, les ouvriers de Paris, fortement marqués par les idées socialistes, notamment celles de Proudhon et de Blanqui, s’insurgent contre les soldats et proclament un Conseil insurrectionnel de la Commune.

Troupe Gaston Hoarau – Mon patrie mon boucé, 1976
À la fin des années 1950 à la Réunion, le maloya est prohibé par l’administration coloniale, qui craint de voir grandir l’idée d’une indépendance. Il est donc joué de manière clandestine dans des lieux secrets. À cette époque le simple fait de détenir des instruments tels que le kayamb ou le roulér était sévèrement répréhensible. Grâce à l’organisation de concerts clandestins par des militants du Front de la Jeunesse Autonomiste Réunionnaise, le maloya perdure. C’est en 1976, à la suite du 4e congrès du Parti Communiste Réunionnais, qu’est gravé le 1er disque de maloya Peuple du maloya, peuple de la Réunion, aux éditions PCR (Part Communiste Réunionnais).

Quilapayun, Venceremos !, 1973
Un hommage au Chilien Salvator Allende renversé par le général Pinochet en 1973, une célébration du socialisme et de la lutte des peuples contre les oppresseurs et la misère.

Colette Magny – Repression, 1972
Ce texte, qui pourrait paraitre surréaliste aux plus jeunes, révèle l’état d’esprit de l’époque post soixante-huitarde. Sublimé par le free jazz de François Tusques Bernard Vitet, Beb Guérin, Juan Valoaz et Barre Philipps, c’est un des grands albums de la plus blues des chanteuses françaises.

Gil Scott-Heron – The revolution will not be televised, 1971
Un pamphlet contre les médias de masse accusés de biaiser l’information, un phrasé particulier, et un certain nombre de références politiques : le poète pacifiste Timothy Leary, les militants pour les droits civiques Whitney Young et Roy Wilkins.

Charlie Haden – El Quinto Regimiento / Los Cuatro Generales / Viva la Quince Brigada, 1970
Ces 3 chansons en 1 morceau font directement allusion aux Brigades internationales, engagées pour la démocratie lors de la guerre civile espagnole de 1936. La pochette est déjà un manifeste militant et revendicatif, l’orchestration est signée Carla Bley, et les musiciens sont notamment Gato Barbieri, Don Cherry, Roswell Rudd et Sam Brown, improvisant à la guitare sur du folklore espagnol.

Elaine Brown- The meeting, 1969
Activiste, seule femme à avoir dirigé les Black Panther de 1974 à 1977, Elaine Brown enregistre en 1969 l’album « Seize the time » qui rend hommage au mouvement. La chanson The meeting deviendra l’hymne officieux des Black Panther.

Philip Cohran & The Artistic Heritage Ensemble – Malcolm X, 1968
Un hommage à Malcom X, par un des anciens membres de Sun Ra. La célébration du mariage visionnaire des rythmes africains, de la soul et du jazz improvisé.

Dominique Grange – Grève illimitée, 1968
C’est suite à l’appel à la radio de Lenny Escudero exhortant les chanteurs à accompagner en chanson la grève générale de mai 1968, que Dominique Grange compose ce titre qu’elle jouera inlassablement aux portes des usines, et qui reste un des hymnes du mouvement.

Nina Simone – Mississippi goddam, 1964
Le cri d’indignation qui fait suite à l’attentat par le Ku Klux Klan d’une église afro-américaine qui tua 4 enfants. Cette chanson accompagnera le mouvement pour les droits civiques mais ne sera jamais enregistrée en studio, il n’en existe que des versions en concert. A chaque fois, l’air enjoué du début amuse les spectateurs qui se glacent au fur et à mesure que Nina Simone récite son texte.

Les Compagnons De La Chanson – Le galérien, 1950
Pendant plus d’un siècle, sous l’Ancien Régime, on envoya aux galères les contrebandiers, les malfaiteurs, mais aussi les vagabonds, les marginaux et les huguenots, opposants religieux que l’on considérerait aujourd’hui comme prisonniers politiques.

Cora Vaucaire – Complainte du roy Renaud, 1950
La complainte du Roi Renaud est l’une des plus anciennes complaintes, et la plus répandue des chansons populaires françaises datant du moyen-âge. Interprétée ici par Cora Vaucaire, elle nous rappelle que ce fut probablement la 1ère chanson antimilitariste en France.

Pour aller plus loin :

Playlist collaborative #5, 200 chansons contestataires / protest songs – Lechoix.fr, 17/02/2010
Les riot songs ou la contestation en chansons – Next.liberation.fr, 09/08/2011
Les 5 chansons contestataires les plus efficaces de tous les temps – Slate.fr, 14/04/2011
Les Inrockuptibles « Révoltés » la musique contestataire en 50 chansons – Senscritique.com
Ces chansons qui font l’histoire, années 1940, chroniques de Bertrand Dicale – chansonsquifontlhistoire.crdp.ac-versailles.fr

Playlist réalisée en coordination avec l’ACIM, Association pour la coopération des professionnels de l’information musicale

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