Nils FRAHM, « All Melody »

Enregistré dans le prestigieux studio Funkhaus à Berlin en Allemagne, «All Melody» est une des œuvres majeures de Nils Frahm, conservant l’esprit curieux et exploratoire de ses enregistrements les plus ludiques tout en se situant à la frontière entre musique électronique et musique classique.
Frahm a enrichi son arsenal habituel de claviers (piano, synthétiseur, orgue etc.) de cordes, trompettes, timbales, gongs, voire marimbas.
Malgré son envergure ambitieuse et son humeur sombre, «All Melody» est imprégné du même esprit exploratoire qui a rendu «Tag Eins Tag Zwei» (avec F.S Blumm) si agréable. C’est vrai, ce n’est pas un disque extrêmement varié: les tempos sont généralement lents, les ambiances contemplatives, la mélancolie presque omniprésente. Mais dans ce cadre, il explore tout le terrain qu’il peut, allant de passages de chœurs vastes et évocateurs rappelant Arvo Pärt aux études de piano discrètes.
Cette impression de fluidité donne pourtant au disque son identité changeante. On ignore souvent ce que l’on écoute à un moment donné. Même les chansons qui sonnent comme du piano solo ont des marimbas basse et un violoncelle qui se cachent quelque part dans leurs plis. En montant le son assez fort, on risque de se perdre dans des détails tels que le craquement des marteaux sur le piano de Frahm ou le son du chant des oiseaux, probablement enregistré devant son studio au bord de la Spree.
Sur 12 chansons et 74 minutes, «All Melody» fonctionne comme une pièce musicale cohérente, avec des thèmes récurrents imbriqués. Il est facile de s’égarer dans l’album et d’entendre un motif familier casser le ton mais la sensation est agréablement désorientante. Et après avoir parcouru de longues pistes répétitives comme «Sunson», «All Melody» et «# 2», on peut rencontrer un moment fort comme «Forever Changeless», une étude courte et mélodique pour piano.
Le superbe titre final, « Harm Hymn », juste une poignée d’accords joués sur un harmonium très doux, montre que la force de Frahm en tant que musicien ne réside pas dans la complexité de ses compositions, mais dans les nuances qu’il parvient à sortir de ses instruments, faisant assurément de lui un artiste iconoclaste.