DE LA NOUVEAUTE PLEIN LES CARTONS !

Moment magique du métier de bibliothécaire musical : l’ouverture du carton, plein des disques commandés quelques temps auparavant, choisis sur la foi des chroniques ou des renseignements glanés au gré des revues spécialisées, émissions radiophoniques, échanges avec les collègues ou avec nos adhérents…

Plaisirs anticipés, curiosité aiguisée, les oreilles commençant à frétiller, la question existentielle du moment est donc : « Mais par où commencer? » …par le groupe dont on a tellement apprécié les albums précédents et dont on attend avec gourmandise le suivant, ou bien par celui dont on espère le choc de la découverte de la pépite inouïe, celle qu’on aura le plaisir de dévoiler à une meute d’emprunteurs extasiés ? (bon, là j’en rajoute un peu dans le quantitatif…)

Pour ma part, lors de la réception de ma dernière commande, j’ai choisi la deuxième option : bonne pioche !
Première écoute : Bulu-Fulassi, par les Parlophones : un trio réunissant André Ze Jam Afane, poète-slameur camerounais, Daniel Erdmann, saxophoniste de Das Kapital (qui fit une tournée remarquée dans quelques communes rurales de l’Isère l’année dernière, après leur prestation au Jazz Festival), et Francis Le Bras au piano : bel hommage à la première élite camerounaise, formée à l’Ecole Normale de Fulassi, sur des textes autant poétiques qu’anticolonialistes.
hymas.jpgPremière option (attente gourmande) pour le deuxième tirage : De l’origine du monde, par Tony Hymas, qui nous avait offert il y a quelques années une série d’enregistrements en hommage aux Indiens d’Amérique -« Remake of the American dream » et « Oyaté »- produits déjà par Jean Rochard pour le label Nato (d’ailleurs ma gourmandise s’adresse plus généralement à l’ensemble de ce label, spécialiste des albums aux thématiques engagées sur le terrain des libertés, toujours très travaillés, et portés par des voix singulières).
Le point de départ de cet album est le fameux tableau de Gustave Courbet représentant un sexe féminin peint de façon extrêmement réaliste : la musique est subtile et délicate, toute en nuances, à l’image de la peinture de Courbet, sur fond d’ode à la liberté, en particulier celle des femmes. Le disque est accompagné d’un très beau livret comprenant des dessins originaux ainsi que des photos de Paris en 1871 (Courbet, ami de Proudhon, était très engagé dans la Commune de Paris).
esperanza.jpgEnfin (car j’arrêterai là pour aujourd’hui), j’engage dans le lecteur le dernier album de la contrebassiste dont tout le monde parle ces temps-ci , histoire de vérifier si tous ces messieurs n’auraient pas été légèrement influencés par le physique de la belle : et bien non, Esperanza Spalding, 26 ans et tous les talents, tient ses promesses dans Chamber music Society : à la contrebasse, au chant, à la composition et aux arrangements de la section de cordes, elle maîtrise tout, et produit ici un jazz intimiste, flirtant avec la chanson.
silentmovies.jpgEt aussi : Silent movies, de Marc Ribot, seul avec sa guitare ; Céline Bonacina, jeune saxophoniste baryton, qui invite Nguyen Lê et ne laisse pas sa part au chat, comme on dit; Magnus Lindgren dans « Batucada jazz », évoquant Carlos Santana, Gato Barbieri et Hermeto Pascoal : jubilatoire; et un grand merci à l’adhérente qui nous a suggéré l’acquisition de « Paradise alley », de Renaud Gabriel Pion : une alchimie entre une musique savante composée pour un orchestre à cordes et une partie improvisée par le compositeur lui-même, à la clarinette basse, saxophone et diverses flûtes.  
Et encore bien d’autres nouveautés au fond de nos cartons, à découvrir en bibliothèque!


Author: Martine

Si j'avais le choix de la couleur, j'aimerais assez être bleue, comme la note du même nom; si j'étais une note, j'aimerais être n'importe quelle petite croche de l'adagio du concerto pour clarinette de Mozart (et je promets de rester bien à ma place), ou encore un silence entre 2 notes de Thelonious Monk; si je devais changer de métier, je me vois bien pâtre sur un rocher chez Schubert ou ornithologiste chez Charlie Parker… Mais bon, j'avoue, dans la vraie vie je m'appelle Martine, et je suis amatrice, outre de musiques en tous genres - mais plus particulièrement celles qui passent à des heures impossibles à la radio - de moelleux au chocolat (avec un fond de sauternes), car c'est bien connu, ventre affamé n'a point d'oreille, et dans notre métier, les oreilles, c'est essentiel !

3 Replies to “DE LA NOUVEAUTE PLEIN LES CARTONS !”

  1. Il existe aussi une liste de musiciennes (instrumentistes, compositrices) en jazz, disponible à la demande dans les bibliothèques musicales (on est d’ailleurs ouverts aux suggestions pour la compléter et la mettre à jour).

  2. Ah ! merci Martine de penser et de rendre hommage aux femmes dans le monde du jazz, c’est si rare ! Pour vous en rendre compte, lisez donc : « Les femmes du jazz : Musicalités, féminités, marginalisations« , de Marie Buscatto, résumé : » Enquête sur les femmes du jazz en France, cet ouvrage montre qu’elles sont confrontées aux conventions musicales masculines qui guident les relations de travail dans cet univers, et leur marginalisation est d’autant plus étonnante qu’elle est dénoncée par les professionnels eux-mêmes. »
    Empruntable à la bibliothèque Centre ville, ( Cote: 785.3 BUS )

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