Lage Lund – Terrible Animals

Le guitariste Lage Lund est l’une des voix les plus identifiables de la scène jazz new-yorkaise depuis de nombreuses années. Originaire de Norvège, il a été l’un des guitaristes les plus importants de la génération post Scofield, McLaughlin, Metheny ou Frisell. Cette génération, a repoussé les limites de la guitare jazz et contribué aux micro-innovations du genre. Pour Terrible Animals, sa cinquième sortie sur l’excellent label Criss Cross, le guitariste a réuni un nouveau quatuor époustouflant avec le pianiste Sullivan Fortner, le contrebassiste Larry Grenadier et le touche-à-tout, multi instrumentiste et batteur Tyshawn Sorey (qui s’en tient ici à ce dernier instrument).
Les dix compositions originales de Lund sur Terrible Animals sont mélodiques, décalées, parfois turbulentes et grouillant de rebondissements imprévisibles. Il y a un sentiment d’exploration insouciante à l’ouverture de ce disque mais un peu plus modéré par la suite.
L’excellent « Hard eights » ouvre l’album par une mélodie mélancolique avec des notes d’étrangeté épicée, grâce notamment aux solos du pianiste Sullivan Fortner et à la polyrythmie générale qui parcourt le titre.
Sur « Aquanaut », c’est le batteur Tyshawn Sorey qui prend de l’importance en s’exprimant avec plus de puissance. La polyrythmie et les vibrations mystérieuses sont encore de la partie.
« Suppressions » est une référence ironique aux « Impressions » de John Coltrane. Tout en douceur, l’étrangeté est peut-être poussée ici à son paroxysme, magique et fluide. Le titre est d’une grande singularité. C’est ici que la batteur Sorey fait preuve de l’étendue de son immense talent. On pense beaucoup à Bill Frisell ou encore à Mary Halvorson.
Puis l’album se fait plus calme, mélodieux avec le superbe « Haitian ballad » qui nous fait littéralement voyager de manière élégante.
Tout en velours, les titres suivants nous font beaucoup penser à l’univers de Pat Metheny, l’une des références majeures de Lage Lund.
Les deux exceptions se trouvent en milieu d’album avec « Octoberry » qui se rapproche de la musique expérimentale par ses notes hachées, et vers la fin avec le morceau qui donne son titre au disque « Terrible Animals ». Ici, c’est le bourdonnement mystérieux de la guitare de Lund obtenu grâce à des effets de distorsion qui nous pousse à explorer des territoires peu familiers mais plutôt attirants.
« Terrible animals » est assurément l’un des disques phares de cette fin d’année et avec Lage Lund la relève de la guitare jazz est parfaitement assurée.