« J’aimerai toujours le temps des reprises, et le souvenir que je garde au cœur… »

On le sait, le jazz a toujours aimé puiser dans le répertoire populaire, s’appropriant ces mélodies et les transformant en « standards », bases de départ de re-créations personnelles. Chez nos contemporains, les thèmes repris ne sont plus obligatoirement « Tea for two » ou « Summertime », mais – question de génération – des airs de rock, de reggae, de chansons cultes…

Ainsi cette année, coïncidence ou air du temps, les 2 incontournables de la guitare hexagonale, Nguyen Lê et Manu Codjia, s’adonnent au jeu de la reprise.

nguyen.jpgLe premier, dans Songs of freedom, invite une brochette de vocalistes et de musiciens des quatre coins du globe, issus du jazz ou des musiques du monde (Youn Sun Nah, David Linx, Ousman Danedjo, Julia Sarr, Karim Ziad, Keyvan Chemirani, et bien d’autres) : cela donne un album foisonnant, aux arrangements virtuoses, toujours avec cette couleur très particulière donnée par le son de la guitare de Nguyen Lê, reconnaissable au premier accord. Ses sources d’inspirations viennent tout droit des années 70, de Led Zeppelin à Stevie Wonder en passant par les Beatles et Bob Marley (d’ailleurs le titre même de l’album vient de celui d’un coffret de 4 CD du pape du reggae).

codjia.jpgC’est justement un titre de Bob Marley, « Redemption song » que l’album de Nguyen Lê  a en commun avec celui  de Manu Codjia, Covers. Celui-ci, qu’on a entendu dernièrement avec Henri Texier ou Daniel Humair, adopte ici une formule beaucoup plus épurée, mais non moins mordante, en trio avec Jérome Regard à la contrebasse et Philippe Garcia à la batterie. « Beat it », de Michael Jackson (qui nous tire plutôt vers les années 80 – là encore, question de génération – , ouvre le bal, suivi d’un hommage magistral à notre Gainsbourg, par l’entremise d’un collage de « Requiem pour un con » et « Je t’aime moi non plus ». Même le tube de Leonard Cohen « Halleluyah »  (qui a atteint jusqu’aux dernières générations par la B.O. de Schrek) en sort tout neuf!

friture.jpgDans un autre style, quoique toujours en jazz, La Friture Moderne s’est livrée au même exercice avec succès, dans un album intitulé , pour qu’on sache bien où on met les pieds,  Pour en finir avec 69. (avec d’ailleurs lui aussi un titre en commun avec Nguyen Lê : Mercedes Benz, de Janis Joplin).

Cette fanfare de rue – dont plusieurs membres sont nés cette fameuse année 69 – évoque selon ses propres termes « toute cette furie, cette utopie, cette dépravation, [qui] aujourd’hui, [font] désordre… » : dans ce but, ils reprennent les grands pourvoyeurs de liberté et iconoclastes musicaux : Pharoah  Sanders, Serge Gainsbourg, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Brigitte Fontaine, Franck Zappa, Albert Marcoeur et son inoubliable refrain (« quand c’est raté c’est raté, quand on s’énerve on rate toujours »).

Avec ce qu’il faut de distance et d’humour, et une traduction littérale des paroles mystiques de Pharoah Sanders (« Le créateur a un super plan… ») ou de Janis Joplin demandant au seigneur de lui payer une Mercedes Benz pour faire un tour en ville, ils réussissent à nous plonger dans un état intermédiaire entre nostalgie et  jubilation. Et on ne sait pas s’il faut les croire lorsqu’ils disent « On a voulu essayer d’oublier. Juste on se rappelle une dernière fois et après, on arrête, c’est promis. »

Dans les 3 cas, des reprises qui ne sentent pas la naphtaline!  Et qui réconfortent, sans tomber dans le passéisme : si les « tubes » de nos jeunes années sont en passe d’entrer dans le grand livre des standards, c’est qu’ils le valent bien!

Author: Martine

Si j'avais le choix de la couleur, j'aimerais assez être bleue, comme la note du même nom; si j'étais une note, j'aimerais être n'importe quelle petite croche de l'adagio du concerto pour clarinette de Mozart (et je promets de rester bien à ma place), ou encore un silence entre 2 notes de Thelonious Monk; si je devais changer de métier, je me vois bien pâtre sur un rocher chez Schubert ou ornithologiste chez Charlie Parker… Mais bon, j'avoue, dans la vraie vie je m'appelle Martine, et je suis amatrice, outre de musiques en tous genres - mais plus particulièrement celles qui passent à des heures impossibles à la radio - de moelleux au chocolat (avec un fond de sauternes), car c'est bien connu, ventre affamé n'a point d'oreille, et dans notre métier, les oreilles, c'est essentiel !

3 Replies to “« J’aimerai toujours le temps des reprises, et le souvenir que je garde au cœur… »”

  1. Je reste très fan de l’album « Close to heaven » de l’ONJ (tribute to Led Zeppelin). Leurs reprises ont + la pêche que celle d’Nguyen Lê … enfin personnellement je préfère. 🙂

  2. Le créateur a un super plan…” ça donne envie d’écouter ce que donne cette reprise de Karma!
    Sinon, il est vrai que le jazz, ces dernières années, se nourrit d’influences pop et rock (sans doute lié à l’émergence d’une nouvelle génération de jazzmen) ce qui permet de donner vie à de très belle re-créations en la matière… Les deux illustrations qui me viennent immédiatement à l’esprit : Bojan Z et sa vison « d’Ashes to Ashes » de David Bowie ainsi que la reprise du titre « My velouria » des Pixies par The Bad plus.

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