Hypercrooner & Superandrogyne

L’actuelle mélancolie urbaine en mal de sentiments purs et de ballades post-romantiques pourra se réjouir des deux albums qu’on vous présente ici.

D’un grand raffinement formel, sophistiqués, ils distillent une douce torpeur mélodique aux accents feutrés. Attention, rien de sucré ou de mièvre pourtant! Oubliez le monde coloré et mielleux des Barbapapas ou des Bisounours !

Ici, on est au cœur de l’élégance sobre, matinée d’orientalisme contemporain (Tamino), habitée par un souffle délassant, celui d’une cigarette après l’amour (Cigarettes after sex- comme son nom l’indique) : la spirale du sentiment amoureux vu par deux âges différents, en quelque sorte !

Les chansons de Tamino (il chante en anglais, bien que lui-même Belge, d’origine égyptienne) relèvent de la complainte, ou du moins d’une langueur soft-rock plutôt harmonieuse. Les blessures et les espérances sont prétexte à survoler les tourments de l’amour d’une manière mélancolique et quelque peu candide. Composé de douze chansons d’un climat homogène, l’album nous accompagne dans une descente dans le monde souterrain des sentiments, des malédictions (Persephone), du souvenir et des retrouvailles (Habibi, Cigar). Eclairé par son interprète au physique d’archange brun, au visage étrange et à la silhouette d’éphèbe moderne, Amir emporte vers un âge éphémère, vers un spleen adolescent qui se dissout pour laisser place à un adulte en devenir.

Sa manière d’incarner tout cela est fortement inspiré -entre autres- de Thom Yorke (le chanteur de Radiohead) ainsi que d’un rock onirique porté par une voix qui se promène jusque dans des aigus androgynes.

Cette question du genre, on peut se la poser aussi en écoutant Cigarettes after sex, (c’est le titre de l’album de 2017 et le nom du groupe) : une voix suave ni féminine ni masculine, des arrangements d’une douceur effarantes, des mélodies qui semblent se répéter indéfiniment.

C’est dans le souffle du soulagement et du délassement que chaque morceau aime prendre son temps, en lentes et délicates répétitions, mélopées enivrantes, envoûtantes déclinaisons qui bercent et désorientent les sens. Chaque chanson ressemble à la précédente, créant une confusion délicieuse entre chacune : « ni tout à fait la même ni tout à fait une autre ».

Souffrance et innocence comme sources d’inspiration ! Il y a en effet du crooner primitif à l’œuvre chez ces deux artistes : celui qui susurre à nos oreilles des confidences intimes et universelles. Ils parviennent – chacun avec leur univers où la (les) guitare(s) joue(nt) un rôle sensuel, voire émollient – à intégrer des influences d’un rock urbain émotionnel, une ivresse suave et noire dans une approche musicale contemporaine.

Cigarettes after sex  /  album : Cigarettes after sex

Tamino / album : Amir

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