LESTER BANGS, « Fêtes sanglantes et mauvais goût »
Selon ma fille de14 ans, le monde se partage entre les fashions, les racailles et les intellos. Et à la limite les loosers mais bon, ils font souvent partie de la 3ème catégorie.
Elle nous a dit ça au détour de la conversation, un dimanche qui se finissait aussi tranquillement qu’il avait commencé. Je suis d’abord resté dubitatif, une telle sentence mérite réflexion. J’ai réfléchi un peu, et comme je suis son père et qu’il faut bien que je donne le change, j’ai ajouté : et les déjantés aussi! S’en est suivi une petite discussion et elle a fini par reconnaître qu’on pouvait facilement classer Angus Young dans cette dernière catégorie.
Cette définition du Monde aurait plu à Lester Bangs. Et avec une accroche comme ça ma fille aurait sans problème été embauché au magazine Rolling Stone en 1970 … enfin pas dans le même bureau que Lester parce que sur le fameux « sex drug & rock’n’roll », le sieur en connaissait un rayon.
Il n’y a pas photo pour coller une étiquette sur le dos de ce bon vieux Lester, il aurait fait partie des déjantés, des barrés, des décalés … bref, des rockers.
Qui d’autre avant lui aurait pu chroniquer un disque en divaguant sur sa virée nocturne de la veille, qui aurait pu interviewer Jimi Hendrix en direct du paradis? Qui d’autre en aurait plus raconté dans ces mêmes chroniques sur ses frasques personnelles et sur l’esprit de son temps que sur le chorus du troisième morceau du dernier album de Jefferson Airplane que tout le monde préfèrera écouter? Qui aurait osé traiter Led Zeppelin, alors en pleine gloire, de « pédales émaciées »?
Bangs! Il n’y avait que lui pour créer ce genre qui allait se révéler à la fois littéraire et ethnologique (excusez du peu) dans la lignée de ce qu’on nomme le journalisme gonzo popularisé par Hunter S. Thompson dans « Hell’s Angels : a strange and terrible saga ». Une façon subjective de traiter un sujet en parlant de soi en train de traiter le sujet.
Bangs! Bangs! Voilà Bangs qui me monte à la tête (quel nom quand même!). Quel bonheur de lire ses pages où de la musique qui pouvait passer pour du déchet d’après certains rock-critics trouvait grâce à ses oreilles : tout ce qui allait préfigurer le punk…
En guise de conclusion je vous laisse méditer cette définition de Hunter S. Johnson : « [Le reportage gonzo] conjugue la vivacité de plume du reporter confirmé, l’acuité visuelle du photographe de guerre et les couilles du quarterback au moment du lancer »…YEEAAH!
Fêtes sanglantes et mauvais goût / Lester Bangs