FESTI-DEBRIEF#6 : ROCK EN SEINE

seineyann en seine

3 days in Paris

VENDREDI

Pour ma 11ème édition de Rock en Seine, je m’apprête à savourer une programmation plus pointue que jamais, qui fera mouche au final : plus de 118 000 spectateurs, affluence record.
Mon assiduité paie toujours au parc de Saint-Cloud puisque je ne repars jamais sans un concert mémorable en tête. Qui détrônera Beach House, lauréat haut-la-main du cru 2012 ?
En ce Vendredi de cagnard, on commence par les femmes post-punk incendiaires et magnétiques de Savages. La charismatique Jehn, de John et Jehn (vivement conseillé par ailleurs), sosie punk de Natalie Portman, nous hypnotise à nouveau dans un set tendu et nerveux qui fit hélas plus de remous dans le public au Printemps de Bourges en salle et, surtout, en nocturne. Programmation quand tu nous tiens, il fallait bien faire de la place aux mastodontes aux heures plus tardives… Résultat, pas énormément d’ambiance sauf tout devant et dans mon corps.
A la scène pression live, dernière-née du site, le trio de Daughter, qui progresse concert après concert, a fait rêver les présents, les croyants. L’anglaise Elena Tonra a une voix sublime, vapeur éthérée piégée dans une parfaite enceinte d’arbres. C’est dans ce parfum de paradis que Daughter incarne le premier candidat au trône.

Plus tard, le quatuor anglais d’Alt-J, très attendu semble t’il, n’a pourtant pas convaincu, car mou et ne reproduisant pas le bon son bien rond de l’album studio. Dommage, quoique prévisible. Passage au stand Martini Royal, où les hôtesses ont reconnu leurs groupies de Musilac mais n’ont toujours pas reçu la consigne de nous rembarrer. The place to be quand on a fini ses premiers 80cl de bière, l’étonnante moyenne de consommation en France par festivalier et par jour.
L’heure a sonné pour l’échec du jour. A l’origine, une inexplicable montée de dédain vis-à-vis du concert des Franz Ferdinand, vus et revus lors de précédentes éditions… bien mal nous a pris d’aller voir à la place ces vieux de la vieille que sont les Pastels ! Un son pollué par celui des écossais jouant en même temps sur la grande scène, agrémenté de fausses notes devant un public dégarni (mais pas chauve – pour éviter toute confusion), nous a renvoyés illico au stand Martini qui agit également comme un aimant en cas de déception.
Kendrick Lamar, dont le nom doit bien être l’anagramme de quelque chose, arrivé auréolé de son succès de la veille aux côtés d’Eminem au stade de France, vient nous livrer son rap fluide et puissant dans un set très riche instrumentalement, très appréciable malgré ma non-maitrise des codes du rap : on ne sait jamais quels doigts doivent être tendus ou non.
Le génial californien Hanni El Khatib, enfin, offre un concentré de rock wild (c’est de l’anglais), hautement garage, vaguement vintage, dans laquelle l’influence des Black Keys (leur chanteur Dan Auerbach a d’ailleurs produit le dernier album) se fait sentir pour notre plus grand bonheur. C’est le pied total, ce qui n’explique toujours pas en quoi avoir du plaisir aurait une évidente relation avec notre extrémité la plus malodorante.
On aurait voulu revoir Team Ghost et Balthazar, qui ont livré de mémorables prestations à Bourges et Solidays, et plus profiter des australiens de Tame Impala venus dérouler leur fabuleux Lonerism de 2012, mais on ne peut pas tout voir. C’est le drame du principe du festival multi-scènes mono-créneau.

SAMEDI

Exclamons-nous! Place aux jeunes! Les tout juste majeurs de La Femme sont toujours aussi pêchus, inclassables, décalés et déconneurs. C’est parfois très simple, mais tout le monde chante son amour du sable et de la plage sur Sur la Planche -l’occasion de voir du crowd-surfing-, puis sa haine du taxi et son amour du bus sur Anti-Taxi. Statistiquement, on doit bien pouvoir trouver un chauffeur fan de musique dans l’arène, et j’aurais adoré le voir à l’œuvre.

le surf
L’un des musiciens abandonne son clavier et surfe littéralement sur la foule. « C’est du délire », pourrait-on dire. Il ne tombera pas, au grand regret des groupies prêtes à lui faire la peau et à lui piquer ses lunettes, dans cet ordre.

Autres jeunes remarquables, le phénomène collectif Fauve, devant un visuel impressionnant, scande ses textes sur l’insatisfaction amoureuse sur fond de guitares electro-pop. On y trouve beaucoup d’énergie, de fraicheur, de maitrise, et un côté Noir Désir pas dégueu. Haut les cœurs ! Frais également, les espagnols de Hola a Todo el Mundo arborent fièrement chevelures fournies, moustaches, chemises à fleur et pantalons moulants dépareillés d’une autre époque. Surpris, je me dis d’abord que les fans ne se bousculent certainement pas au portillon pour rejoindre leurs couches, puis je suis conquis par l’essentiel : un très bon set electro-psych-pop et beaucoup d’énergie.
Après un bref passage décevant devant les américains d’In the Valley Below, qui ne confirment pas encore les bonnes impressions ressenties à l’écoute de leur premier EP, c’est Wall of Death, trio parisien qui s’est offert le luxe de participer au festival rock psyché d’Austin, qui nous interpellera lors d’une énième migration entre deux scènes. En fan de post-rock et des Black Angels – like, je nourris encore des regrets de ne pas pouvoir me dédoubler.
Par la suite, Eugene McGuiness nous invitera au voyage dans un set très propre que viendra clôturer le puissant « Lion », les écossais de Belle & Sebastian livreront des chansons lumineuses mais (snif) pas Get Me Away From Here I’m Dying, le moins fin Trent Reznor de Nine Inch Nails offrira pour sa seule date française un show spectaculaire, puissant et rageur, puis Vitalic fera son bon petit show des familles, toujours dansant mais lourdingue pour qui a vu récemment C2C. Ou comment se faire quatre groupes en une phrase, et ne pas parler des Black Rebel Motorcycle Club et de la diva Valérie June, immanquables mais manqués.

DIMANCHE

Un crachin intermittent, deux effets: 1-reconfiguration vestimentaire hasardeuse, 2-fixation de l’odieuse poussière qui pourrit les bronches des festivaliers de Rock en Seine année après année. Ce n’est pas plus mal, d’autant que c’est léger comme la rosée du matin, et l’affluence reste étonnamment impressionnante.
On passera sur les décevants Chvrches, trop nasillard et édulcoré, et sur Ms Mr, précédés d’un gros buzz mais pas très emballants, surtout pour qui a vu… POLICA
Poliça, c’est la deuxième claque du festival, au moment où on s’y attend le moins, soit 15h15 (Marignan) par un Dimanche de pluie après deux jours épuisants. Ce quatuor de Minneapolis, adoubé par deux figures aussi dissemblables que Justin Vernon de Bon Iver et Jay-Z, a livré une incroyable version de son premier album Give You The Ghost, plus quelques nouveautés. Une boite à rythmes / synthés, deux batteries qui se parlent, une formidable ligne de basse et l’hypnotique chanteuse Channy Leaneagh donnent un cocktail très envoutant à la limite de l’electro-rock et du trip-hop. Sur l’album, Channy s’auto-tune et c’est sympa ; sur scène, on met fin à l’artifice vocal et ça devient fabuleux. Lay Your Cards Out, Darkstar, The Maker, autant de mantras spectraux mémorables.

Comment aller crescendo après ça ? On sera par la suite agréablement surpris par l’electro-pop de Is Tropical, on dansera sur la rave-punk-party des italiens de Bloody Beetroots, et une fois de plus on soutiendra les endiablés de Skip the Use et son chanteur Mat Bastard omniprésent (Where is Brian ? sur quatres scènes différentes aujourd »hui). Par contre, pas question de stagner devant le grand guignolesque show de Major « Sebastien Patoche » Lazer.

homard gonflable
 

Le thème de la mer a été fourni par les organisateurs. Outre la présence de divers énergumènes déguisés en pirates de pacotille, nous avons eu droit à la kitchissime écrevisse gonflable cache-scène lors du concert d’Is Tropical, entre autres.
Et cela a fini intact : un miracle.

On finit par le très attendu Tricky : malheureusement, Adrian Thaws fut soit de dos, soit de face avec une lumière bleue venant de l’arrière empêchant de discerner ses traits et ceux de la chanteuse, et fit monter cent personnes sur scène dès la troisième chanson. Autant il livra une prestation incroyable ici-même il y a quelques années, autant le plaisir fut cette fois-ci gâché malgré les très bonnes versions de Nothing’s Changed et Parenthesis (repris des excellents The Antlers). Cinq morceaux et zou, on repart avant la meute au métro, sans avoir vu le set neo-blues de Eels, les fameux Phoenix (déjà vus à Musilac, formidables), les anglais rockabilly de The Computers ou encore System Of A Down sur la grande scène recouverte de tapis persans.
Tant pis, on a vu Poliça et Daughter, couronnées reines sœurs de l’édition.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.