Bill Frisell – Valentine

L’inimitable guitariste de jazz Bill Frisell caresse nos oreilles avec un autre ensemble de chansons bon enfant et ultra-raffinées livrées en trio. Pour ce disque, il a convoqué des associés de longue date, le bassiste Thomas Morgan et le batteur Rudy Royston, pour interpréter 13 compositions sereines, dont huit qu’il a écrites. Valentine penche vers le jazz traditionnel, intégrant l’influence de la musique folk, de l’Americana et du blues.
Le morceau d’ouverture, Baba Drame, est un morceau sinueux et bluesy, repris d’une belle pièce chaleureuse du guitariste malien Boubacar Traoré et dirigé par Frisell, qui improvise autour d’une mélodie à la guitare électrique. Morgan et Royston fournissent un accompagnement crescendo alors que l’improvisation de Frisell prend de l’intensité.
Cependant, au fur et à mesure que l’album avance, des éléments avant-gardistes – rappelant surtout le temps de Frisell avec Naked City de John Zorn – commencent à s’infiltrer. Le son des cordes ouvertes et la dissonance harmonique complètent son jeu, bien qu’ils soient utilisés avec réserve, et sans la distorsion granuleuse à laquelle on pourrait s’attendre.
La chanson titre est une composition de jazz plus simple que ce à quoi on pourrait s’attendre, montrant la compétence de Frisell en tant que guitariste de jazz avant tout, tout en utilisant une mélodie dissonante. Les morceaux s’enchaînent de manière transparente, avec une continuité instrumentale, mais chacun avec son propre style. Par exemple, Winter Always Turns To Spring utilise une réverbération délicate et chatoyante, accentuant le jeu dynamique de Frisell. D’autre part, le neuvième morceau, Wagon Wheels, s’ouvre sur une basse acoustique sèche, alors que Frisell et Royston fournissent l’harmonie et le rythme avec une guitare chaleureuse et une batterie dépouillée.
La reprise de What The World Needs Now Is Love de Burt Bacharach et Hal David est très originale, Frisell explorant l’harmonie d’origine de manière libre.
Étant si loin dans sa carrière, il est intéressant de voir comment la musique de Frisell a évolué. Valentine représente une approche plus réservée et douce de sa musique, qu’il a démontrée sur des albums comme Have A Little Faith (1992). Néanmoins, c’est toujours un album très original, livré avec l’habileté d’un guitariste de jazz chevronné.