Back to the 80’s, avec Meshell NDEGEOCELLO

Six ans après un album sur Nina Simone, Meshell Ndegeocello nous revient avec un nouveau disque de reprises d’une dizaine de titres de R&B des années 80 et début 90 intitulé Ventriloquism.
S’ils sont pour l’artiste et la femme autant de jalons de ses années de jeunesse à Washington, ces morceaux sont pour l’auditeur de 2019 une occasion de se replonger dans cette fin du 20e siècle. Les synthétiseurs et les boîtes à rythme dictaient alors, pour le meilleur et pour le pire, leur loi sur les arrangements musicaux, et Michael Jackson et Prince régnaient en maîtres sur la black music mondiale.
Car, bien sûr, le sel d’un album de reprises est de comparer l’original à la copie, et le voyage sur Youtube vaut le détour : hit soul égaré aux tréfonds de notre mémoire (« Waterfalls »), black lover hurlant son amour dans un ascenseur (« Love is bliiiiind !!! » ), ou cet autre en perfecto cuir qui chante dans sa chambre d’hôtel avec le bandana qui dépasse de la poche arrière de son jean (« Don’t disturb the groove » )…
Tout y est ! Certains verseront sans doute une petite larme sur le temps béni de leur jeunesse enfuie tandis que d’autres se diront que non, décidément, ce n’était pas mieux avant…
Quoi qu’il en soit, Meshell Ndegeocello ne tombe pas dans le piège de la nostalgie et se livre à un complet travail de réécriture. D’une bluette sucrée de boys band, « Tender love » , elle fait une ballade folk à la Neil Young :
D’un hit sexy de Janet Jackson, « Funny How Time Flies (When You’re Having Fun ) », elle tire une plage belle et mélancolique sur le temps qui passe :
Et quand elle s’attaque à des monuments, sa main ne tremble pas non plus. Sa version du désormais classique « Sometimes it snows in april » de Prince est aussi belle que l’original :
Quant au succès international de Sade en 1985, « Smooth operator », il est à peine reconnaissable :
Un album de reprises est un exercice périlleux, souvent générateur de déceptions, ou pire d’agacements profonds. Avec Ventriloquism, Meshell Ndegeocello réussit l’épreuve haut la main. Elle fait sien tous ces titres célèbres ou oubliés et leur insuffle une vie nouvelle, une couleur jusqu’alors inconnue, une dimension insoupçonnable.