Quand la vie tourne à 33 tours…

Bmol en tongs ! En juillet et août, Bmol sera en mode best of… Retrouvez tout l’été des articles parus depuis 2008, spécialement sélectionnés par notre équipe.

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Certes, d’aucuns diront à juste titre que même si on nous rabat rebat les oreilles avec la hausse des ventes de vinyles un peu partout dans le monde, la part de ceux-ci dans le marché global reste largement marginale. Le vinyle restera un marché de niche à n’en pas douter et il ne faut pas en attendre des miracles pour le secteur de l’industrie musicale. Mais au-delà de l’aspect économique et des chiffres de vente, il est indéniable que la culture du vinyle qui a toujours persisté depuis 30 ans à travers le djing des scènes électro & dub à aujourd’hui complétement supplanté le cd d’un point de vue symbolique…

Prenons la présentation / artwork des cd : cela est frappant depuis quelques années, les boitiers crystal ont quasiment disparus et de plus en plus, les cd qu’on trouve dans le commerce ne sont ni plus ni moins que des mini-vinyles, avec pochette intérieure dans laquelle on range sagement le cd. C’est systématiquement le cas du label canadien Constellation (Godspeed You Black Emperor, Silver Mt Zion, Colin Stetson, etc.) qui pense chaque sortie pour le format 33 tours et décline ensuite l’album dans divers formats secondaires (cd, mp3, flac, etc.). Le dernier Bardo Pond ne s’ouvre même plus à la manière d’un digipack mais permet juste de glisser la pochette de protection exactement à la manière d’un vinyle. Les albums des Smiths ont été récemment réédités sous ce format avec textes des chansons imprimées sur la pochette intérieure, etc, etc. Le cd lui-même – la rondelle de plastique – n’échappe à cette tendance de le grimer en vinyle; si vous cherchez sur internet, vous allez trouver moult sociétés qui proposent de presser des cd avec l’apparence d’un vinyle. Le dernier Prefab Sprout, « Crimson / Red », arbore un superbe cd-vinyle. Au bout de 30 ans de cd (il a été lancé en 1984) la boucle est bouclée : on en est revenu au format 33t., en d’autres termes le vinyle a cannibalisé au moins symboliquement le cd…

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De même de plus en plus de groupes et d’artistes, à revers de la tendance de la playlist qui tendait à ranger au rayon des souvenirs l’idée même d’album, non seulement réaffirment la cohérence de l’album comme formant un tout cohérent, mais tendent à rappeler dans la présentation des titres qu’il a été pensé avec une face A et une face B même sur support cd. Exemples : The Julie Ruin, The Fauns ou le dernier Mondkopf. 3 disques récemment publiés…
Même les arguments technologiques censés assurés sa suprématie n’ont pas fait long feu (la réputation publicité de support inaltérable du cd…) ou ont été retournés contre lui : le son froid et fade du cd contre celui chaud, vivant et « croustillant » du microsillon. Certains puristes du son font même graver leur disque en 45 t., format réputé meilleur pour la qualité sonore, quitte à ce qu’il y ait 2 vinyles au lieu d’un (le dernier album d’ OM par exemple)…
La bande-annonce du nouveau film de Jarmusch commence sur l’image d’une platine qui lit un 45t. et son film regorge de vinyles à chaque coin d’images, le coté vintage et cool de l’objet sans doute. Ce n’est bien sûr qu’un détail mais ce genre d’exemple pourrait être multiplié, comme par exemple le superbe demi-vinyle qui orne fièrement le bandeau de Bmol…

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Bref, on aurait tort de croire que parce que le vinyle ne représente plus qu’un faible pourcentage des ventes, il n’a pas d’avenir. Bien au contraire. Je crois que le vinyle est toujours là parce qu’il redonne une valeur à la musique, à l’heure des chaînes YouTube, des abonnements Deezer offert avec votre mobile et des mp3 téléchargés et stockés dans la foulée sur des disques durs. Or un album, vous l’achetez et vous devez lui faire une place, à tous les sens du terme car c’est un objet qui prend de la place physiquement mais aussi de plus en plus, symboliquement. Et pour finir de s’en convaincre, il suffit de faire le voyage Vinylmania à la découverte des aficionados du 33t. à travers le monde…

Author: Julien

Né quelques jours après la mort de Jimi Hendrix (on fait se qu'on peut). S'est flatté pendant longtemps de détester le jazz mais attribue désormais cela à une erreur de jeunesse. Déteste vraiment la nouvelle-nouvelle-nouvelle chanson française. Se gausse pourtant d'avoir vu Bashung un soir de 1995 et d'y avoir pris du plaisir. A tenté (vainement) d'être musicien et traine depuis son mal-être dans des débats musicaux stériles. Persiste a porter des pulls à capuche et des Converse (le plus souvent déchirées) à bientôt 40 ans…

One Reply to “Quand la vie tourne à 33 tours…”

  1. Certes, le vinyle est un bel objet, chargé de symboles et de nostalgie, et j’ai visionné Vinylmania avec plaisir, mais comment dire ?… en tant que discothécaire, ma nostalgie ne va pas jusqu’à regretter le prêt de 33 t. en bibliothèque et tout ce qui allait avec : le nettoyage au petit chiffon humide, les disques rayés, le poids des piles, l’angoisse du disque laissé sous le pare-brise de la voiture garée en plein soleil et qui finit façon montre molle, les têtes de lecture bien arrondies, les achats répétés du Kohln concert de Keith Jarrett pour cause de crachouillis qui cassent l’ambiance …
    Bref, intellectuellement bien contente que le vinyle existe encore, mais en tant que professionnelle du prêt, je le laisse volontiers dans sa niche.

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