HUMEURS & CLAVECINS

Bmol s’ouvre à nos usagers ! Aujourd’hui une contribution proposée par Rémi. Petit voyage au cœur des exercices pour clavier de Jean-Sébatien Bach. Quelques idées pour approcher les claviers baroques : l’orgue et le clavecin.

Passionné de clavecin, autant par les instruments que par les musiques qui leur sont dédiées, je suis ce que l’on pourrait appeler un musicophage : dévoreur de musiques en tous genres. Le clavecin, l’orgue en étant le cœur sans cesse retrouvé.

J’avais commencé ainsi une précédente chronique pour ne pas parler de musique dite classique mais de tango. Aujourd’hui, ce sera donc clavecin ! Donc au menu du jour, ce sera clavecin et classique ! Encore que j’aurais pu poursuivre sur le ton du tango grâce à Oscar Milani  et Mario Raskin qui ont publié deux disques de transcription de tangos de Piazzolla pour… deux clavecins.

Revenons au classique. Nous devrions dire non pas musique classique, mais musique savante. En effet la période dite classique viserait plutôt Haydn, Mozart et le pianoforte. Pour le clavecin, nous devrions dire musique baroque. Période qui se détermine avec une espèce de monument puisqu’il s’agit de Jean-Sébastien Bach.
Les droits d’auteur inventés par Monsieur de Beaumarchais aujourd’hui déclinés en Hadopi et consorts n’existant pas encore à l’époque de Bach, celui-ci a édité fort peu d’œuvres. On le savait improvisateur, on le sait maitre de chapelle dont il ne reste, par exemple, que 200 cantates alors que l’on est sûr qu’il en a forcément écrit beaucoup plus. A titre d’exemple, Telemann a laissé quelques 3600 oeuvres répertoriées contre 1100 pour Bach. Et Monsieur Platz du consistoire de Leipzig avait signifié qu’à défaut de Télémann, ils devraient se contenter d’un médiocre lors de la nomination de Bach au poste de Cantor… Le star système ne date donc pas d’aujourd’hui !
Ce bon Jean Sébastien, Johann Sebastian, en allemand, a donc laissé peu d’œuvres par rapport à ce qu’il a pu et dû produire. Et il a peu édité, très peu. En particulier 4 « Clavier Übung » c’est à dire des exercices pour clavier. Ceux qui ont tâté du clavier souriront à l’idée que Bach ait pu nommer de tels sommets « exercices ».

Premier cahier : les partitas pour clavier. Bach ne précise jamais quel clavier. A sa mort, il laisse en héritage une impressionnante collection de claviers, des clavecins à 1 ou 2 claviers, de clavicordes et autres… On sait aussi qu’il a joué des tout premiers piano forte. Nous y reviendrons une prochaine fois. Si vous voulez vous frotter aux partitas, allez jeter une oreille sur ce qu’en fait SCOTT ROSS. Une pulsation assez inimitable par ce grand bonhomme mort en 1989 à l’âge de 38 ans.

Deuxième cahier : c’est le déclencheur de cette chronique, Grand Place et Centre Ville viennent d’accueillir la version de BENJAMIN ALARD. A 19 ans, il remporte le 1er prix de clavecin à Bruges, tout comme Scott Ross avait été le 1er premier prix de Bruges à 20 ans en 1971. Le deuxième cahier est le complément des partitas, c’est aussi le plus accessible. Les partitas sont de facture que l’on peut dire « allemandes », le 2ème cahier contient le concerto italien et la grande ouverture à la française. C’est sans doute la manière que Benjamin Alard de faire sonner le clavecin qui me touche le plus.
Cependant si vous souhaitez approcher le clavecin ou cette œuvre, Grand Place dispose de la version de Glenn Gould au piano (avec les suites françaises). Quitte à me faire des ennemis, je dirai que Glenn Gould donne une vision simplifiée voire simplificatrice mais directement accessible. Une excellente porte d’entrée pour goûter l’œuvre et passer ensuite aux sonorités du clavecin. On notera que les parties de clavecin sont rarement intégralement écrites. Il est donc de la responsabilité de l’interprète d’orner, c’est à dire d’enrichir la sonorités avec des notes supplémentaires parfaitement codifiées à l’époque. Les clavecinistes sont souvent plus rodés à ce jeu et Benjamin Alard trouve un bel équilibre dans les deux œuvres. Par ailleurs, le clavecin est superbe et la technique d’enregistrement aussi. L’ouverture à la française commence par une ouverture dans le même style que les pièces d’orchestre que Lully ou Marin Marais utilisaient pour « ouvrir » les opéras ou les pièces de théâtre agrémentées de musique. Le concerto italien, intègre le style italien dont Bach avait, faute de photocopieuse, recopié à la main des dizaines de pièces de Vivaldi, Albinoni ou Corelli pour sa bibliothèque personnelle. (2CD issus de sa bibliothèque dans ex Libris au Centre Ville par Jean Tubéry)

Troisième cahier : L’orgue avec une messe pour orgue, quelques chorals encadrés par un grand prélude et fugue. Les clavecinistes étaient presque toujours organistes. Bach, Couperin, Händel et tant d’autres. Autant prévenir de suite, l’œuvre est un peu austère. Je suis tombé amoureux des quelques minutes du choral BWV 688 : Jesus Christus unser Heiland. 4’30 de bonheur. Après de nombreuses comparaisons, il y a une version qui surpasse, à mon goût, toutes les autres, c’est celle de Francis Jacob à Saint Louis en L’Isle à Paris. Vous trouverez ces 4 minutes de bonheur très virtuose au Centre Ville (page 7 du second CD). Francis Jacob fait aussi partie de la jeune génération des organistes français. Surtout, c’est l’occasion d’entendre un des plus beaux orgues neufs de ces dernières années. Chaque orgue est unique. Une copie rigoureusement identique ne sonnera jamais comme l’original puisqu’il faut installer l’orgue dans une église. En 2004, Daniel Aubertin a livré un orgue somptueux, destiné principalement aux œuvres baroques d’Allemagne du nord qui se marie fort bien avec l’acoustique de l’église parisienne. Histoire de sortir de LA toccata (29 fois dans le réseau) et de sortir l’orgue du contexte strictement religieux, voilà une belle occasion, aussi virtuose que joyeuse.

Quatrième cahier : Les variations Goldberg. Un air et 30 variations sur cet air. Un tour de force unique. Une œuvre de la même envergure naitra beaucoup plus tard avec les variations sur une valse de Diabelli de Beethoven. Bon, nous sommes à des années lumières de l’exercice. 14 versions disponibles au catalogue grenoblois. On trouvera deux fois Leonhardt au clavecin et deux fois Glenn Gould au piano. Aussi une version à la harpe. Comme précédemment, s’accoutumer l’oreille avec la harpe ( avec Blassel au Centre Ville) ou le piano (avec Glenn Gould 1981 à l’Abbaye, au Centre Ville ou à Saint Bruno, voire ses 3 versions à l’Alliance). Ensuite le clavecin … J’aurai un faible pour le somptueux clavecin d’ANDREAS STAIER à Saint Bruno, une variété de sonorités étonnante qui facilite l’entrée dans l’œuvre comme dans l’instrument. Il est vrai que les radios éprouvent quelques difficultés à faire écouter du clavecin à leurs chers z’auditeurs. Il est donc nécessaire de s’habituer l’oreille.
Pour terminer, celui que certains appellent le pape de la musique baroque, aujourd’hui 83 ans, GUSTAV LEONHARDT. 3 versions des seules Goldberg à son actif. Seule sa première version est accessible à Grand Place, très digne, elle est réservée à ceux que les premiers pas de la reconstruction de la musique baroque intéresse.

Pour écouter un Gustav Leonhardt plus accessible dans Bach au clavecin, le disque de suites et toccatas que l’on trouve à Grand Place fait partie des joyaux des enregistrements de clavecin. Foncez plage 5, vous y reconnaîtrez 57 secondes de pur plaisir : une bourrée (suite BWV 996). C’est une danse comme on trouve dans de nombreuses œuvres de la période baroque. Celle-ci a connu le privilège d’être transcrite et jouée à toutes les sauces. A commencer par le luth : voir Konrad Junghänel au Centre Ville. Ensuite celle de Jethro Tull (Aqualung et Stand up à Grand Place, The very best of au Centre Ville) reste une des plus géniales et des plus déjantées à mon goût.

Terminons en revenant à Oscar Milani et Mario Raskin, vous pouvez les retrouver à Grand Place dans un disque de transcriptions de Bach à deux clavecins avec quelques petits bijoux qui se terminent par un tube : le menuet et la badinerie habituellement joués pour flûte et orchestre. Tout ça ferraille joyeusement, un joli rayon de soleil pour les mois d’automne à venir…

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