BOB DYLAN POUR LES NON ANGLOPHONES…

Pour les fainéants comme moi qui écoutent du rock depuis maintenant quelques décennies, donc essentiellement en anglais, et qui sont toujours totalement non anglophones, Bob Dylan a été longtemps un exercice difficile. D’une part parce que la discographie du monsieur est à la fois pléthorique (46 albums au compteur !) et notoirement inégale, mais aussi parce que j’ai pensé longtemps qu’il fallait comprendre les textes pour en capter toute la beauté. Or point du tout, la voix en elle-même est capable de faire passer un registre d’émotions très large et peut être abordée tout simplement comme un instrument à part entière, avec sa tessiture particulière, ses intonations, son traitement par l’enregistrement, etc.

La preuve par trois albums du maitre qui démontrent AUSSI toutes ses qualités musicales…

1) BLOOD ON THE TRACKS (1975)

Elle semble bien loin la controverse anciens vs modernes, puristes vs néophytes, acoustique/électrique des années 60. Blood on the tracks est un album essentiellement acoustique qui lorgne du coté des débuts : guitare folk, harmonica, quasiment pas de batterie, quelques touches discrètes de piano ou d’orgue, des arrangements dépouillés au service de la voix et des histoires qu’elle conte. Quelques morceaux de choix : « Simple twist of fate », « Idiot wind », « Meet man in the morning » un vrai blues, chose assez rare chez Dylan…

2) INFIDELS (1983)

Déjà, cette pochette ! Lunettes noires, barbe pas taillée, pose frontale, l’homme ne cherche pas à séduire. A l’époque, toute la presse musicale avait crié à la renaissance, après quelques années erratiques au niveau de la production discographique, le dernier album potable remontant à Street legal, 5 ans auparavant. Sur Infidels, pas de doute, on a un album qui tient la route de bout en bout avec des mélodies entrainantes qu’on retient immédiatement. La voix du Zim (Robert Zimmerman de son vrai nom) est magnifique et on sent toute l’intensité qu’il met à porter des textes en lesquels il croit, ce qui facilite les choses il est vrai. « Jokerman », « Neighborhood Billy » « I and I », « Don’t fall apart on me tonight », les tubes s’enchainent à la pelle. Un beau retour en grâce à l’orée d’une décennie souvent terrible pour les auteurs.

3) OH MERCY (1989)

Et pourtant, Bob Dylan aura traversé les années 80 avec à la clé deux albums importants. Oh Mercy est sans doute moins évident à aborder que Infidels, un disque plus en demi-teintes et sur lequel flotte un certain sentiment de fragilité, de désenchantement et de lassitude aussi, mais qui recèlent quelques perles comme « What Good I am ? », « Shooting star » et surtout « Ring Them bells », ballade au piano tout en dépouillement et en retenue, sans doute une de ses plus belles chansons. Tout le reste de l’album est à l’avenant quoique un peu en dessous de ces sommets. Une leçon de chant encore une fois ou comment faire passer tout un panel d’émotion avec la voix comme seule instrument.Presque trente après le début de sa carrière, la source n’était toujours pas tarie…

Bob Dylan a souvent été loué pour ses talents d’écriture et célébré comme poète, au détriment parfois du compositeur et du musicien, ce qui est bien dommage vu les trésors de musicalité que renferme sa discographie. Bref, rien n’empêche d’écouter le grand Bob même si vous ne captez rien à la langue de Shakespeare. Alors si en plus vous comprenez l’anglais…

Author: Julien

Né quelques jours après la mort de Jimi Hendrix (on fait se qu'on peut). S'est flatté pendant longtemps de détester le jazz mais attribue désormais cela à une erreur de jeunesse. Déteste vraiment la nouvelle-nouvelle-nouvelle chanson française. Se gausse pourtant d'avoir vu Bashung un soir de 1995 et d'y avoir pris du plaisir. A tenté (vainement) d'être musicien et traine depuis son mal-être dans des débats musicaux stériles. Persiste a porter des pulls à capuche et des Converse (le plus souvent déchirées) à bientôt 40 ans…

5 Replies to “BOB DYLAN POUR LES NON ANGLOPHONES…”

  1. Mais…où sont mes années folles ?
    Bob Dylan,toujours d’actualité, merveilleux.
    Merci Julien pour cette cure de jouvence .

  2. Ah oui Street Legal, j’ai hésité à le mettre dans ma liste mais finalement non ! Il est assez connu et puis je voulais insister sur une période (les années 80) où il était considéré comme perdu voire dépassé et où finalement il s’en est plutôt mieux sorti que beaucoup d’autres dinosaures qui n’auront pas survécu à la décennie…

    Mise à jour : Josiane est rentrée de vacances…

  3. Je fonds ! Et je rajouterais bien « Street legal » de 1978 -oui bon d’accord ça date ! – surtout avec des titres comme « Baby stop crying » ou « True love tends to forget » – tout un programme, là même avec 7 ans d’anglais inutiles au lycée on comprend de quoi il retourne !

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